Machiavel et les gâteaux du Ramadan.

Chaque nuit, depuis presque un mois, je reste les yeux grands ouverts  à contempler le ciel depuis ma fenêtre. J’observe la lune mener sa course silencieuse entre les nuages opalescents. Ces dernières nuit, l’astre blanc décroît lentement mais sûrement, annonçant la fin du Ramadan et bien sûr la fête de rupture du jeûne, l’Aïd el-Fitr.

Vous devez vous demandez, où cet énergumène veut-il en arriver ? Les plus malins d’entre vous (… pas les Bretons) auront évidemment reconnu le mot gâteau dans le titre de l’article, ce qui peut vous mettre la puce à l’oreille. Chaque année en effet, les élèves qui aiment bien leurs professeurs ont pour habitude d’offrir quelques pâtisseries en signe d’amitié. Or, quand vos élèves ne vous aiment pas (ce qui est mon cas) il existe des astuces pour avoir quand même des gâteaux.

L’année dernière, j’ai théorisé une approche stratégique qui a été incorporée depuis dans les formations des écoles de marketing. Voir : Les conseils du grand Khan pour le Ramadan. Ces techniques sont toujours valables aujourd’hui. Cependant, quand on a les mêmes élèves deux ans de suite, il est impossible d’utiliser deux fois la même ruse. Si vous ne voulez pas qu’ils découvrent toutes vos ficelles (ou vos énormes cordages, si comme moi vous souhaitez maximiser vos chances), voici trois nouvelles techniques adaptées à l’âge des élèves :

1) Pour les sixièmes, en début d’année, nous avons fait le cours sur la Mésopotamie. Les élèves sont encore imprégnés des histoires de dieux, de héros et de phénomènes surnaturels. N’hésitez pas à jouer sur cette corde. Dès lundi, je vais leur expliquer que j’ai fait un rêve prémonitoire : Les dieux se sont adressés à moi au petit matin pour m’annoncer que des élèves allaient m’apporter des pâtisseries. Pensez bien à dramatiser la situation : « Si le rêve ne se réalise pas, c’est l’ordre du monde qui peut s’effondrer et tout le ciel va nous tomber sur la tête!!! »

2) Pour les cinquième, l’étude de l’Afrique peut présenter un angle d’approche intéressant. Bien sûr, l’Afrique connait des problèmes : les marques du sous-développement… mais il y a aussi des choses admirables. Hop, on arrive au sujet qui nous intéresse : « En Afrique du Nord, au moment de l’Aïd el-Fitr, il est de tradition d’offrir des pâtisseries au professeur d’histoire-géographie. » (Pas de maths ou d’EPS… précisez bien « histoire-géographie ») Vous pouvez en rajouter une couche en disant que ces coutumes sont admirables et que l’Europe serait bien meilleure si elle pouvait s’inspirer des autres continents.

3) En classe de troisième, en début d’année, on étudie la première guerre mondiale et l’URSS de Staline. Là encore, on peut trouver des angles d’attaque utiles pour motiver les élèves. En abordant les pratiques totalitaires, insistez bien sur le Goulag. Décrivez-leur l’hiver sibérien, le vent froid sur la toundra et des hommes décharnés marchant pieds-nus sur glace pour aller casser des pierres. Quand vous avez totalement capté leur attention, poussez discrètement votre avantage : « Les professeurs dénonçaient souvent leurs élèves pour les envoyer en Sibérie. La seule manière d’éviter le Goulag était d’offrir des pâtisseries de l’Aïd au professeur d’histoire. Un professeur d’histoire bien nourri, c’est l’assurance d’une vie insouciante. » Les élèves sauront tirer des enseignements du passé.

Faut-il partager les gâteaux avec ses collègues ? La réponse est évidemment non, sauf quand on est pas sûr de la fraîcheur des pâtisseries. Dans ce cas là, il sera bienvenu de les faire goûter préalablement aux collègues d’anglais ou de SVT  en prenant des airs de grand seigneur qui fait un cadeau inestimable. D’une manière générale, au moment de la fête de l’Aïd, vos collègues ne sont pas vos amis. Ce sont des concurrents qu’il faut éliminer! N’hésitez pas à propager de fausses rumeurs sur les uns et les autres : « Un tel est diabétique », « tel autre n’aime pas les Arabes », « celui-ci est allergique au miel » etc. …

La fin justifie les moyens ! Bonne chance à tous !

~ par L'éphémère du crépuscule sur samedi 27 septembre 2008.

6 Réponses to “Machiavel et les gâteaux du Ramadan.”

  1. Pathétique… pour des pâtisseries ! Mais que fait-on alors quand le postulat de départ de ta présentation, Ô Grand Khan, est faux : car en ce qui me concerne, mes élèves m’aime bien et j’ai tous les ans droit à mes pâtisseries de l’Eïd… surtout de la part des petits pakistanais que je favorise outrageusement en classe 🙂 Mais un grand malheur se profile à l’horizon de la rentrée 2009, quand le Ramadan aura lieu en plein mois d’août !

  2. par contre, c’est vrai quand dans cette course aux gâteaux, l’amitié entre collègues ne compte plus, d’autant plus que la quantité accumulée est le marqueur essentiel de la popularité du professeur auprès de ses ouailles.

  3. Pour l’année prochaine, pas de panique, le ramadan va commencer le 21 aout mais l’Aïd el-Fitr se tiendra le samedi 19 septembre, bien après la rentrée. Cela se complique à partir de 2011. La fête du ramadan se tiendra le 31 août, juste avant la rentrée, ce qui nous laisse une chance d’avoir des pâtisseries.

    En 2012, cela sera plus dur car l’Aïd se déroulera le 18 aout. Là, je ne vois qu’une solution. Donner mon adresse postale aux élèves pour m’envoyer directement les pâtisseries. Je peux toujours leur dire qu’ils ont plus de 25% de chances (risques) de m’avoir comme prof et qu’ils ont intérêt à mettre toutes les chances de leur côté.

  4. je vois que tu penses à tout ! ça c’est machiavélique.

  5. Je tiens à préciser que j’ai parfaitement identifier le mot « corn-flakes » dans le titre
    et toc
    chapeau rond mou

  6. C’était trop rigolo. On aurait dit un film. Moi aussi, tous les ans, je fais une grande quantité de gâteaux. Tout le monde y a droit : les professeurs, les voisins, la famille et c’est avec un grand plaisir.

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